La « situation exceptionnelle » liée au COVID-19 n’est pas suffisante pour légitimer le recours au chômage partiel.

Rappelons le contexte :

Après l’allocution télévisée du Président de la République du jeudi 12 mars et la répétition par trois fois de la formule « quoi qu’il en coûte», une majorité des chefs d’entreprise ont légitimement pu croire que la réponse aux mesures de confinements annoncées ce lundi 16 Mars par le gouvernement serait la mise en chômage partiel des salariés empêchés de travailler normalement.

Cependant, la situation est beaucoup plus complexe.

 Le principe

Toute entreprise relevant du code du travail peut recourir au dispositif de l’activité partielle.

Mais encore faut-il qu’elle en remplisse les conditions, c’est-à-dire qu’elle soit « contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité » pour l’un ou plusieurs des cinq motifs énoncés à l’article R 5122-1 du code du travail (1° La conjoncture économique ; 2° Des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ; 3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ; 4° La transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ; 5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel).

Le motif de « toute autre circonstance de caractère exceptionnel » est celui qu’a retenu le ministère du travail dans sa communication sur le COVID-19 pour illustrer les exemples de « cas éligibles à l’activité partielle ».

 Qu’en est-il en réalité ?

Or, à ce jour, aucune interruption des activités économiques non essentielles n’a été imposée, dès l’instant qu’elles ne reçoivent pas de public.

Par conséquent, les seules entreprises qui sont de facto éligibles à l’activité partielle sont celles qui, recevant du public sans avoir une activité indispensable à la vie de la nation, ont été obligées de fermer jusqu’au 15 avril 2020 par décision du Gouvernement, à savoir les salles d’auditions, conférences, réunions, spectacles, certains centres commerciaux et commerces, les restaurants et débits de boissons, les salles de danse et de jeux, les bibliothèques, centres de documentation, salles d’expositions, les établissements sportifs couverts, les musées, les restaurants et bars d’hôtels, à l’exception du « room service ».

Toutefois, toutes les autres entreprises doivent normalement continuer leur activité, soit parce qu’elles ne reçoivent pas de public, soit parce qu’elles sont essentielles à la vie de la nation, même si elles reçoivent du public (alimentaire, pharmacies, stations-services, banques, bureaux de tabac, presse, services publics, livraison de repas à domicile, ventes à emporter et de livraison, hôtels et leurs « room service », animaleries restent également ouvertes – voir aussi la liste dérogatoire).

Dans ce cadre réglementaire, la continuation des activités économiques ne recevant de public est donc la règle, le recours au chômage partiel une exception.

Dans cet objectif de maintien des activités économiques, le gouvernement a posé un cadre très clair (cf. communiqué du ministère du travail du 16.03.2020) :

  1. Le télétravail est la règle pour tous les postes qui le permettent.
  2. Le maintien de l’activité et la mise en œuvre des règles de distanciation pour tous les emplois non éligibles au télétravail ou dont la présence est indispensable au fonctionnement de l’entreprise.

Concernant la mise en œuvre des mesures de distanciation, celles-ci sont rappelées sur le site d’information du gouvernement : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus

Le recours au chômage partiel est à justifier au cas par cas

L’application de ces règles n’interdit pas, par principe, le recours au chômage partiel pour les entreprises ne recevant pas de public.

Lorsque le contexte lié à la situation actuelle de confinement en raison de la lutte contre la propagation du coronavirus ne permet pas à une activité de se maintenir, l’employeur peut toujours recourir au dispositif d’activité partielle en application de l’article R. 5122-1 du code du travail.

Cependant, il va falloir, au cas par cas, être en mesure de justifier auprès des DIRECCTE pour quelles raisons particulières (conjoncture économique, difficultés d’approvisionnement, …) vos entreprises sont contraintes de réduire ou de suspendre temporairement leur activité.

En effet, le seul fait d’invoquer l’existence d’une « situation exceptionnelle » liée au COVID-19 ne sera pas suffisant pour légitimer le fait que vos entreprises sont contraintes de réduire ou de suspendre temporairement leur activité.